Quel avenir pour le modèle mutualiste ? 

Réuni·e·s à Agen en Juin 2025, plus de 1500 expert·e·s du monde mutualiste, acteur/rices institutionnels mais aussi responsables politiques, ont participé au 44e Congrès de la Mutualité française. Au cours de nombreuses conférences, il a été question d’aborder et de questionner le rôle du modèle mutualiste dans un contexte fortement marqué par de profondes mutations économiques, sociales mais aussi face à des tensions nationales et internationales.  

Dans un environnement où les offres tendent à s’uniformiser sous l’effet croissant des dynamiques de marché, le modèle mutualiste doit s’armer pour rester fidèle à ses principes fondateurs tout en répondant aux exigences actuelles. Par son modèle économique, son ancrage territorial et son engagement solidaire, le mutualisme occupe une place singulière dans le paysage socio-économique actuel. Pour le préserver, il convient de le questionner, le réévaluer, le repenser pour qu’il continue à jouer un rôle essentiel du pacte social.  

Un contexte poussant le modèle mutualiste à innover

Le mutualisme doit aujourd’hui réaffirmer sa singularité dans un contexte marqué par la standardisation des offres, la financiarisation croissante du secteur et la montée en puissance d’acteurs lucratifs peu régulés. Assimilé à tort au secteur assurantiel privé, ce modèle peine à gagner en reconnaissance par le grand public et perd du lien avec ses adhérents, plus consommateurs que participants.  

La concentration du secteur, la généralisation des contrats collectifs mais aussi certaines réformes ont contribué à restreindre les capacités d’innovations des mutuelles.  

Parallèlement, face aux avancées technologiques (IA, big data, blockchain) et à la concurrence des géants numériques, les mutuelles se doivent d’innover tout en respectant leurs principes éthiques. Le règlement européen sur l’IA classe les mutuelles parmi les acteurs à “risque élevé” en raison de l’impact important que peuvent avoir leurs décisions liées à l’utilisation des données de santé des citoyen·ne·s, notamment pour la tarification personnalisée, l’éligibilité aux contrats ou le refus de soins. Cette classification les contraint à garantir une transparence totale, à pouvoir expliquer leurs choix, et à éviter toute forme de discrimination ou de sélection des risques, ce qui, bien que protégeant les adhérents, peut freiner certains types d’innovation. 

Ainsi, le modèle mutualiste est appelé à se réinventer pour rester un acteur central du pacte social. 

Quelles innovations?

 Faire reconnaitre et rendre plus attractif le modèle mutualiste est devenu un impératif stratégique. Pour ce faire, plusieurs axes à développer semblent se dégager : 

  • Une singularité à réaffirmer : Par exemple en intégrant une quantification de son utilité sociale, à travers des outils comme l’Indicateur Synthétique de Création de Valeur Sociale (ISVS), qui objectivent la contribution des mutuelles au bien commun. Il y a là une volonté de montrer que l’action mutualiste ne se limite pas à la gestion assurantielle, mais qu’elle génère une richesse sociale et démocratique.
  • Une attractivité à renforcer : Cela passe par des actions concrètes comme la revalorisation de l’engagement bénévole, la formation des militants, l’amélioration des conditions de travail et une communication ciblée sur les avantages du salariat mutualiste. La diversification des activités mutualistes est aussi un domaine à explorer (liens avec le logement ou l’alimentation par exemple)
  • Une reconnaissance institutionnelle à acquérir au niveau national et européen : il s’agit de moderniser le cadre réglementaire par l’allégement de certaines contraintes fiscales propres au secteur. À l’échelle européenne, le plaidoyer doit être plus important. En effet, remettre la protection sociale au cœur du projet européen devient une nécessité pour faire face aux logiques de compétitivité.  

Ainsi, mettre en avant le modèle mutualiste est une façon d’affirmer qu’il existe des solutions démocratiques et éthiques pour renforcer la protection sociale.

Inscription à notre newsletter